Chapitre 3 : L’heure des révélations

Le grand jour était enfin arrivé. Vous avez suivi les préparatifs dans le Chapitre 1 & Chapitre 2 — il était temps de vivre l’aventure.

J’avais hâte de découvrir ce qu’Eugénie, l’organisatrice, avait imaginé pour cette édition si particulière. Le lieu restait un mystère jusqu’au dernier moment, et je brûlais d’impatience à l’idée de découvrir les décors, les personnages et le fil de l’expérience.

Avec Vincent, mon compagnon de bal, nous avons pris la route dès le matin. Le Bal des Amants Maudits se tenait au Manoir de Longuelune, à Piseux, avec près de deux heures de route devant nous. Nous avions prévu d’arriver en avance, pour avoir le temps de poser nos affaires à l’hôtel et de prendre un café avant de revêtir nos tenues et de nous transformer en véritables personnages d’un autre temps. Mais nos chambres n’étaient pas encore prêtes. Alors, valise à la main et cœur battant, nous avons pris la direction du manoir, bien décidés à enfiler nos costumes sur place.

Le domaine s’étendait devant nous, impressionnant. À peine arrivés, les premières silhouettes costumées surgissaient ici et là, presque irréelles. Des couples assortis jusque dans les moindres détails. J’ai été frappée par le soin apporté aux tenues : beaucoup avaient investi dans des créations faites main, entre inspirations historiques et relectures façon cosplay. L’ambiance s’installait déjà, silencieusement.

Après un rapide briefing, nous avons reçu notre fiche de personnage, nos objectifs, nos pouvoirs, et le fil rouge de la journée : récolter des cristaux correspondant à l’un des deux camps. D’un côté, Zeus et Héra promettaient l’ascension vers les cieux. De l’autre, Hadès et Perséphone offraient la liberté sulfureuse des enfers. Sans grande hésitation, Vincent et moi avons choisi l’obscurité envoûtante du royaume d’Hadès.

La première mise en scène nous a plongés dans l’ambiance : une courte scène introductive entre Hadès et Perséphone, intense, charismatique. Puis le jeu s’est ouvert à nous. Le manoir, les jardins et les différents espaces prenaient vie à travers une série d’ateliers répartis dans tout le domaine. Chaque participant était libre de composer son parcours, d’errer, de questionner, d’explorer. On pouvait participer à autant d’ateliers que le temps imparti le permettait, mais mieux valait choisir avec soin : certains offraient des cristaux ou permettaient d’approcher l’objet maudit, au cœur de la quête.

Avec Vincent, nous avons enchaîné plusieurs expériences immersives. Un atelier de voyance guidé par Athéna, déesse grecque de la sagesse, mystérieuse et envoûtante. Puis une leçon de potions dirigée par Perséphone en personne, au cœur d’une salle du manoir saturée de fumées et de parfums étranges. Et enfin, un jeu de hasard mené par Hécate, gardienne des carrefours et des secrets : une roue, des paris, des défis – danser, raconter une blague ou, plus cruel encore, rester muet pendant cinq minutes… alors que le temps était compté. Ce fut sans doute l’un des moments les plus drôles et imprévisibles de la journée.
À travers ces épreuves — potions, visions, jeux de hasard — quelque chose s’était mis en marche. Chaque atelier semblait nous rapprocher un peu plus du but, comme si une main invisible guidait nos pas. Jusqu’à ce moment précis, presque suspendu : un indice, un échange de regards, un détail à peine perceptible… Et soudain, l’évidence. L’objet maudit était là, depuis le début. Le reconnaître, le nommer, le saisir : c’était la clé pour briser le sort et poursuivre la quête.

Pendant ce temps, les échanges entre participants ajoutaient une autre dimension à l’expérience. Certains jouaient leur personnage avec un sérieux déroutant, d’autres se laissaient porter par la légèreté d’un échange ou d’un rire. C’était là toute la richesse du bal : réunir toutes les énergies, tous les niveaux d’implication, autour d’un même enchantement.

Nous avons ensuite rejoint les cours de danse. Valse, polka, quadrille, contredanse… Une immersion joyeuse dans un bal d’un autre siècle. Hadès guidait chaque pas avec patience, nous faisait répéter les enchaînements, puis lançait la musique, et la salle s’animait. Même les plus timides se laissaient gagner par le plaisir du mouvement. Mon seul regret ? Ma robe, somptueuse, mais bien trop encombrante pour virevolter librement. Une chose est sûre, pour la prochaine édition, je miserai sur plus de liberté de mouvement.

Les danses étaient entrecoupées d’un buffet raffiné : des amuse-bouches salés et sucrés, joliment présentés, parfaits pour reprendre des forces. Un moment convivial, propice aux échanges, aux rires, aux confidences. C’est là aussi que la magie opérait. Les regards croisés, les compliments spontanés, les conversations entre passionnés ou curieux. On partageait nos impressions, nos fous rires, nos petites victoires et nos cristaux durement gagnés.

C’est dans la nuit tombée qu’un autre temps fort s’est dévoilé : un spectacle pyrotechnique signé Quasar. Des figures dansantes, des jets de flammes et des effets visuels impressionnants ont illuminé les jardins glacés du manoir. Le froid n’avait plus d’emprise. Le feu léchait les cieux, rallumant les énergies endormies.

Puis, les résultats du jeu ont été proclamés. Un couple s’élevait vers les cieux, uni sous le regard de Zeus et Héra. Un autre remportait le droit de circuler librement en Enfer, guidé par Hadès et Perséphone. Les autres, quant à eux, étaient renvoyés à leurs tourments. Avec Vincent, nous n’étions pas parmi les vainqueurs… mais nous repartions riches d’instants précieux.

Nous sommes rentrés à l’hôtel au petit matin, épuisés mais encore portés par l’élan de la nuit. Les corps fatigués, les esprits en ébullition. On chuchotait encore les scènes vécues, comme pour les retenir un peu plus longtemps.
Le lendemain, au réveil, la magie laissait place à une douce lassitude. Chaque muscle rappelait l’intensité de la veille, mais le cœur, lui, restait ailleurs. Sur la route du retour, on évoquait les silhouettes croisées, les couples inoubliables – Éros et Psyché, Henri VIII et Anne Boleyn, Merlin et Viviane, Dracula et Mina, Geralt et Yennefer… et ces instants suspendus, comme ce casino délirant mené par Hécate. Comme un rêve qui s’efface lentement, mais dont il reste l’essentiel.

Ce que je retiens, ce sont les échanges, les rencontres, l’émotion sincère des participants. L’énergie de ceux qui, comme nous, avaient tout donné. Et ce sentiment, rare, d’avoir été ailleurs. Hors du temps.

Et si le bal s’est achevé, l’histoire, elle, n’a pas dit son dernier mot. Un dernier acte se jouera bientôt devant l’objectif, pour ancrer l’éphémère. Ultime prolongement de cette aventure, pour refermer doucement les portes de l’enfer… et emporter un peu de sa lumière.

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